J’annonce dans mon profil que la politique est un de mes centres d’intérêt. Je suis musicien professionnel et en ce moment se passe une révolution dans la diffusion des œuvres enregistrées. Les questions soulevées par cette révolution sont extrêmement techniques dans le détail, mais suffisamment simples pour avoir fait l’objet d’un débat public dans les médias récemment et être régulièrement l’objet de dépêches et d’articles. Je veux bien entendu parler de ce que l’on appelle communément le téléchargement.
Prenons le problème dans le bon sens. Il s’agit d’une réalité comme la pluie ou … le réchauffement de la planète, qui bouscule les modèles de rémunération des acteurs de l’industrie musicale. ( C’est fou ce que je n’ai pas l’impression de parler de moi quand j’emploie ces termes et pourtant…). Il y a certaines ressemblances d’ailleurs entre le problème écologique et cette question. Dans les deux cas, il faut constater que les personnes qui auraient dû anticiper ne l’ont pas fait, et de même une fois le problème survenu leur réaction refuse la réalité.
Dans le cas du téléchargement, les compagnies de disque n’ont pas imaginé ce que tout le monde aurait pu deviner : l’échange de fichiers ! Quel phénomène surprenant n’est-ce pas ? Et une fois le problème avéré et constaté dans les livres de recettes (comptables, pas de cuisine), la réaction ne s’est pas fait attendre, on a voulu faire peur aux méchants internautes, étudiants, coiffeurs, ouvriers voire musiciens !!!!! qui sont devenus illico de dangereux malfaiteurs fort heureusement passibles des pires peines !!!
Le problème est posé. Il se trouve que je suis musicien professionnel et que j’ai fait des études de droit. J’ai donc souvent envie de rugir quand je vois la façon orientée dont on présente le problème au public.
Ce que l’on oublie souvent de dire même si on l’entend de plus en plus c’est ce que le téléchargement met en danger réellement. A savoir les recettes des très gros vendeurs de disques qui voient certes leurs bénéfices amputés significativement mais est-ce un mal quand on pense à la part qu’ils représentent dans le monde artistique, c’est-à-dire une part infime s’octroyant le maximum de parts du «gâteau». L’immense majorité des musiciens dont je fais partie n’a que faire du téléchargement ou plutôt y voit un moyen quasi-providentiel de contourner les forteresses inaccessibles que sont devenus les maisons de disque pour toucher un public et éventuellement pouvoir travailler en … donnant des concerts !
D’un point de vue juridique, il est très agaçant de voir les politiques tenir la main des décideurs pour brandir les menaces en entretenant la confusion sur les réelles décisions de justice. Il existe une graduation subtile des sanctions en fonction de l’infraction et il est fort peu probable que quelqu’un soit envoyé en prison pour avoir télécharger un quelconque fichier pour son usage personnel. Il est très facile de terroriser les gens en menaçant le moindre téléchargement de la peine prononcée contre un membre d’un réseau de trafic de DVD par exemple.
Je surveille les décisions (et je ne suis pas le seul) et si je trouve quelque chose d’inquiétant, je le dirai ici.
Toujours d’un point de vue juridique, il faut constater que la tentative de coller à la réalité que représentait la licence globale a été écartée politiquement, probablement par frilosité, donc aujourd’hui c’est le statu quo. Les majors menacent et tente de terroriser, en vain je le crois car si je peux comprendre des réactions un peu timides de la première génération d’internautes dont je fais partie je crois que les générations nées avec Internet n’auront plus peur.
La peur devrait même changer de camp car le téléchargement est peut-être le premier espoir pour les artistes musiciens de voir remise en question la répartition actuelle des droits engendrés par la musique qui a l’instar de la répartition des richesses en général n’est pas des plus égalitaires à la condition, bien sûr de ne pas laisser les décisions politiques se prendre sans nous.
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